Sylvie Sauvageon, plasticienne
Près d'un an après, la lauréate revient sur son utilisation de la Bourse Emmanuèle-Bernheim
VEILLER
Lorsque j’ai reçu la Bourse Emmanuèle-Bernheim, l’an dernier, j’envisageais de pouvoir déplacer Le Cabinet des Conservations et des Restitutions - pièce dans laquelle j’archive les dessins et sculptures réalisés depuis 30 ans - en construisant de petites structures : les Cabines, toutes petites pièces préservant une partie de ma collection. Le projet a mis du temps à démarrer, ne trouvant, pour l’instant, pas de lieu pour pouvoir déposer les cabines.
Mais cet hiver, une proposition d’exposer à Paris à la galerie The Blind Lady m’a poussée à construire ma première petite cabine : une malle-cabine qui me permettrait de transporter l’ensemble du mur « On verra » jusqu’à Paris. Je ne voulais pas utiliser la voiture, il fallait donc que cette malle-cabine soit aux mesures autorisées par la SNCF et puisse contenir l’ensemble des sculptures et des dessins qui constituent cette œuvre. La malle-cabine a rempli sa mission, mais ce n’était pas encore une vraie cabine dans laquelle le visiteur pourrait entrer.
Cette année un groupe de dessins et de sculptures s’est particulièrement développé. Cette série, abordant la mort et ses représentations n’est pas exposable sur un mur, à la vue de tous. Elle nécessite une intimité, un lieu particulier de recueillement silencieux et individuel. Cette série ma donc amenée à la construction de la première cabine. Ce sera une chapelle, un oratoire : le Répit pour veiller sur les souvenus. Dans cette chapelle seront rangés, parfois dans leurs boites, les dessins des tombes ou des fragiles portraits de porcelaine, des ex-voto mais aussi les carnets de croquis, les petites sculptures de bois des veilleurs, les correspondances avec les souvenues.
Un menuisier, Guillaume, de la structure La Goupille, à Romans sur Isère, va construire ma chapelle, financée par la Bourse Emmanuèle-Bernheim. Elle sera démontable et transportable et trouvera, je l’espère, un lieu pour l’accueillir. Elle sera la première cabine construite, mais d’autres sont en préparation : la Serre, pour les paysages, l’Arrêt de bus et les représentations liées au temps, la Bibliothèque et les écrits... qui seront également financées par la Bourse Emmanuèle-Bernheim.
La bourse reçue l’an dernier me permet de poursuivre la collection et l’archivage de mon travail et d’envisager réellement que le Cabinet des Conservations et des Restitutions commence à quitter l’atelier et à voyager. Grâce à cette bourse, ce qui n’était qu’un projet peut enfin devenir réalité.
Sylvie Sauvageon, le 28 septembre 2022
Texte lu par la lauréate à l'occasion de la remise des bourses le 19 novmebre 2021
La saveur du souvenir
Noter et révéler le détail pour ne pas oublier, conserver les petites choses, en prendre soin, les protéger pour construire de beaux souvenirs, attacher de l’importance aux petits riens, archiver la mémoire, garder le quotidien, porter attention à l’autre, faire revivre le souvenir, soigner, apaiser, croire aux ex-voto ...
Depuis plus de 20 ans, je dessine des images glanées autour de moi. Chacun de ces dessins appartient à une série, chacune de ces séries est rangée dans une boite, elle-même posée sur des étagères et formant un ensemble, une pièce de mon atelier nommée : le Cabinet des Conservations et des Restitutions.
Je sais aujourd’hui que ce travail mené depuis plus de 20 ans, l’élaboration de ces collections d’images qui constituent le Cabinet des Conservations et des Restitutions, résonne de l’œuvre d’Emmanuèle Bernheim. J’ai construit, au fil du temps, une sorte d’hommage involontaire à ses écrits. Pourtant cet archivage avait commencé bien avant notre rencontre au Salon de Montrouge en 2011 et s’est poursuivi bien au-delà. C’est en le regardant aujourd’hui, en reculant un peu, que je comprends à quel point je nous sens proches. J’aimerais qu’un jour cette correspondance, cette conversation soit rendue visible et que le Cabinet des Conservations et des Restitutions puisse être exposé et montré hors de l’atelier. Une façon de rendre vivante la mémoire d’Emmanuèle.
Je remercie de tout cœur le fonds de dotation vendredi soir, cette bourse va me permettre de poursuivre ce travail et d’envisager de présenter le Cabinet des Conservations et des Restitutions hors de l’atelier, dans un autre contexte et sous d’autre forme.
Merci à tous ...
Sylvie Sauvageon
Sylvie Sauvageon est néé en 1963, elle vit et travaille à Lyon. Elle avait été repérée par Emmanuèle Bernheim au Salon de Montrouge au début des années 2010. Dans son dossier de candidature se trouvait un texte écrit à propos de leur rencontre et que nous avons souhaité partager sur cette page.
Photo du Cabinet des Conservations et des Restitutions à Lyon, où se trouvent consignées les oeuvres du projet de Sylvie Sauvageon.